Lettre ouverte aux féministes en colère, de Jean Gabard.
Lettre ouverte
aux féministes en colère
Je connais dans mon entourage des femmes qui ont été ou qui sont encore victimes du machisme. Elles ont, comme vous, des difficultés à entrer dans l'analyse de mon discours, non pas à cause de l'argumentation mais parce que celui-ci fait « remonter » des histoires trop douloureuses. Je ne suis pas une femme mais je peux les comprendre.
Je peux aussi admettre que l'on trouve scandaleux qu'un homme dénonce des dérives « féministes » alors que les erreurs et même les horreurs « machistes » sont tellement plus énormes. Vous reconnaîtrez cependant que si l'émotion est justifiée, le raisonnement n'est pas valable. En effet, s'il était impossible d'évoquer des dérives chez des féministes parce celles des machos sont plus importantes, il devrait être aussi interdit de s'attarder sur des discriminations en France alors que les crimes sexistes sont tellement plus nombreux et plus graves dans d'autres pays du monde ? Faut-il ne rien dire lorsqu'un enfant meurt de faim en France, parce qu'il y en a des milliers qui subissent le même sort dans d'autres pays ? Il me semble que de même que tout crime doit être dénoncé, toute dérive doit être dévoilée. Permettez-moi d'étudier celles de l'idéologie féministe, même si elles ne sont pas flagrantes, afin de contribuer à les corriger, avant que d'autres ne les utilisent pour défendre des programmes véritablement réactionnaires. Et nous savons qu'il n'est pas nécessaire de les y encourager !
Si vous ne pouvez pas lire ce que j'ai écrit, je vous demande simplement de ne pas me prêter des propos que je n'ai jamais tenus. Jusqu'à maintenant, aucun lecteur de mon livre ne m'a reproché des propos machistes ni réactionnaires : ne le faites pas avant de l'avoir ouvert !
Il y a plus de quarante ans que je défends à ma manière les droits des hommes et des femmes, que je m'oppose à toute discrimination. Je suis favorable à l'équilibre et donc à la loi (discrimination positive) qui devrait permettre d'aller vers plus de parité. Je trouve même scandaleux que des hommes politiques, censés donner l'exemple du civisme, s'arrangent pour la contourner en préférant payer des amendes. Je suis bien évidemment contre les discriminations à l'emploi et sur les salaires.
Si je suis comme vous pour l'égalité des droits, il est vrai par contre que je ne défendrais jamais l'égalité tout court ou la parité totale. C'est d'ailleurs parce qu'il ne peut y avoir égalité qu'il doit y avoir égalité en droits. Pour moi, cette « égalité » et cette « parité » sont des utopies et vous savez aussi que les utopies nécessitant la construction d'un « homme nouveau », mènent souvent au totalitarisme.
Cette confusion entre égalité en droits et droit à l'égalité est une des dérives principales de l'idéologie féministe. (Je rappelle que je fais apparaître la manifestation d'une vision du monde « féministe » au XVème - XVIème siècle et que je l'appelle « féministe » parce qu'elle s'oppose à juste titre à l'idéologie de la société patriarcale traditionnelle autoritaire et « machiste ». Cette nouvelle vision du monde partagée par les hommes et les femmes nous a apporté le libéralisme, la démocratie et l'égalité en droits entre les hommes et les femmes. Elle dérive cependant chez certains et devient une idéologie en se radicalisant.
Avec cette confusion, il y a transformation de toute différence en discrimination comme si celles qui existent vraiment n'étaient pas déjà assez nombreuses. En voulant à tout prix « charger » le mâle pour anéantir celui qui devient un ennemi, du fait de son sexe, ce féminisme perd sa crédibilité et je crains même qu'il ne participe à la montée d'un nouveau machisme.
Cette confusion entre égalité en droits et droit à l'égalité a pour origine la difficulté à assumer la différence des sexes. La dénégation de la différence peut, il est vrai, se comprendre quand on sait comment cette différence naturelle et structurelle de l'homme et de la femme a été (et l'est encore) utilisée par des hommes pour inférioriser les femmes. On peut aussi considérer cette différence de structuration du psychisme chez l'homme et chez la femme comme un postulat puisque, appartenant au domaine de l'inconscient, elle ne peut être prouvée scientifiquement. Il faut cependant aussi admettre qu'il n'y a pas davantage de preuves pour affirmer le contraire.
Mon essai montre, il me semble, que le postulat de la différence est opératoire. Il permet de comprendre comment fonctionnent les hommes et les femmes. De même que la phallocratie s'est servie de ces différences (en les accentuant par une construction sociale sexiste) pour dominer et inférioriser la femme, la dénégation de celles-ci empêche de les gérer en adulte. Ceci a des conséquences de plus en plus visibles dans notre société et notamment dans l'éducation des enfants. Ainsi, au nom du refus des rôles traditionnels, les rôles affectifs des parents sont privilégiés au détriment des fonctions symboliques de père et de mère, indispensables et non interchangeables.
Jean GABARD,