Lettre aux députés par Eric Verdier, psychologue-psychotérapeute et président de l'association Coparentalité.

Publié le par Jean-Louis Malgoire

Remise en cause de la résidence alternée pour les enfants de moins de trois ans,
par Eric VERDIER,
psychologue-psychothérapeute.
 
Mesdames, Messieurs les Députés,
Il semble qu’aujourd’hui les opposants à la résidence alternée, à défaut de faire interdire son application (loi du 4 mars 2002), tentent de modifier la loi afin de rendre plus difficile pour le père la continuité de son rôle éducatif auprès des enfants en bas âge après la séparation parentale. Car, si des parents se séparent lorsque leur enfant est jeune et que la résidence alternée est refusée au père par le Juge, au motif que l’enfant est trop petit, alors il va s’écouler des mois avant de pouvoir renouveler une demande, mois durant lesquels l’enfant grandira sans la présence effective de son père. Pendant cette période, le lien affectif père–enfant aura eu le temps d’être définitivement rompu, avec des conséquences gravissimes sur le développement et l’équilibre de l’enfant - la perception du temps est très différente de la notre chez les tout-petits – et dont les situations d’aliénation forment l’épicentre. Même si les deux parents sont importants à tous les âges de l’enfant, c’est donc surtout pour les petits que leur présence conjointe est cruciale, et ceci les trois premières années de leur vie. En ce qui concerne les tribunaux français, ils accordent la résidence alternée pour des nourrissons à des âges très variés : 18 mois, TGI de Bobigny 4 novembre 1999 ; 14 mois, TGI de Paris le 23 mars 2001 ; 9 mois, TGI de Compiègne avril 2001 confirmé à 18 mois par la Cour d'Appel d'Amiens le 26 juin 2002.
La mission d’information sur la famille et les droits des enfants à l’Assemblée Nationale, dont Madame Valérie Pécresse est la rapporteure, s’apprête à rendre son rapport début 2006.Si cette mission décidait, pour des raisons purement idéologiques et politiques, de préconiser l’interdiction de la résidence alternée pour les enfants de moins de trois ans, nous proposons, par souci de respecter la devise égalitaire de la République Française, que pour les enfants de plus trois ans la résidence alternée soit accordée de plein droit, si le père en fait la demande, et si la mère n’est pas en mesure d’apporter des éléments graves et concordants rendant impossible l’application de cette disposition. Il suffit pour cela de modifier l’article 373-2-9 du Code civil en rajoutant à la fin de la phrase « la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux », la mention « celui des deux qui la demande et la rend possible, et non celui qui la refuse ou la rend impossible »,puis en rajoutant à la fin du paragraphe « La résidence en alternance est de droit si, par son comportement, un des parents fait obstacle aux relations de l’enfant avec son autre parent ».
Il nous reste à souligner que dans un nombre non négligeable de situations, ce sont des mères qui sont coupées de la présence de leur enfant au seul bénéfice du père, ce qui est à l’évidence tout aussi néfaste pour l’enfant. Vous trouverez ci-dessous un extrait du rapport[1] que nous vous adressons en pièce jointe, et reprenant les principaux arguments scientifiques qui plaident en faveur d’une nécessaire équité parentale, spécifiquement pour les enfants en bas âge.
 Dans l’espoir que notre proposition retiendra toute votre attention, je vous prie de croire, Madame, Monsieur le Député, en l’assurance de mes sentiments respectueux.
 
Eric VERDIER
psychologue-psychothérapeute, président de Coparentalité
Adresse electronique: coparentalite@wanadoo.fr
Site internet:
www.coparentalite.com

 

[1] L’objectif de cette étude, au-delà de tout prosélytisme, est de démontrer par des faits scientifiques et des études psychologiques qu’un enfant a intrinsèquement besoin de ses deux parents tout au long de son éducation, et que le priver du lien affectif de l’un des deux ne peut que lui nuire à court, moyen et long terme. Afin de faire la clarté sur le bien-fondé de la résidence alternée, cette étude traite les points suivants : le recul que nous avons sur les effets de la résidence alternée sur les enfants ; les bénéfices que l’enfant peut en tirer ; les effets de la résidence alternée à long terme sur le devenir des enfants ; le point de vue des experts reconnus ; l’application d’une résidence alternée pour les enfants en bas âge ; la résidence alternée dans les autres pays. (Bruno RASCHETTI, Défenseur des droits des enfants)

 

 
EXTRAITS DU RAPPORT « Bien-fondé de la résidence alternée pour les enfants dont les parents sont séparés »

BRUNO RASCHETTI, DEFENSEUR DES DROITS DES ENFANTS

Téléchargez le rapport intégral en cliquant sur ICI
 
 
·       PierreHumbert Blaise Premier lien, théorie de l'attachement Odile Jacob 2003 : « Bowlby le pensait et avait émis l’hypothèse de la monotropie : il n’existerait qu’une seule figure d’attachement possible (la mère). De nombreuses études réalisées par la suite ont infirmé cette théorie et ont montré que ce qui comptait avant tout, c’était la qualité respective des différents lieux et personnes que l’enfant rencontre. Le père et la mère, la famille et les professionnels de l’enfance ne sont donc pas exclusifs les uns des autres. Loin d’être un risque, l’existence de plusieurs lieux d’attachement possible constitue un enrichissement et un facteur de résilience pour l’enfant. Qui plus est, un lien sécurisant établi avec une personne pourra compenser la relation anxiogène développée avec une autre. C'est que l'insécurité de l'enfant est souvent imputable à la mauvaise relation ou approche de la mère à son enfant au tout début de la vie".
·       MAIN M. , WESTON D. , The quality of the toddler's relationship to mother and father Child development 1981 : Les enfants se sentent en sécurité que ce soit avec leur père ou avec leur mère. Un enfant peut très bien être sécurisé à un moment avec sa mère et sécurisé à un autre moment avec son père. Et il n'y a pas de corrélation entre les deux.
·       LE CAMUS Jean Pères et bébés L'Harmattan 1998 : « On sait aujourd'hui sans ambiguïté que, dès la naissance, le père est, autant que la mère nécessaire au développement affectif et psychologique de l'enfant. L’attachement et l’angoisse de séparation existent à l’égard du père comme à l’égard de la mère. L’attachement est aussi fort pour l’un que pour l’autre et la séparation d’avec son père lui est aussi préjudiciable que d’avec sa mère.» et Le vrai rôle du père Odile Jacob, 2000 : « A l'aube du XXIe siècle, il ne paraît plus possible de soutenir que la fonction du père n'est légitimée que par le bon vouloir de la mère, que cette fonction peut être indifféremment remplie par un homme ou une femme, qu'elle n'a de prise qu'à partir de l'âge de 18 mois ou à partir du moment où l'enfant est entré dans le stade oedipien, qu'elle se réduit à l'introduction et la mise en application de la Loi - autant d'affirmations convenues qu'on répète à longueur d'ouvrage sans même se donner la peine de les soumettre à l'épreuve de l'expérience clinique. Il n'y a pas un "âge de la mère" au cours duquel l'enfant aurait seulement besoin d'affection, puis un "âge du père" au cours duquel prévaudrait le besoin d'autorité. C'est dès le commencement et tout au long de l'enfance que la mère et le père doivent se rendre présents et s'impliquer chacun à sa manière comme de véritables co-acteurs de la structuration psycho-affective et du développement de leur enfant.»
·       LAMB Michael E. The development of Father-Infant Relationship John Wisley New York 1996 : « Il y a des preuves substantielles que les nourrissons forment des attachements avec, aussi bien les mères et les pères, à peu près au même point, pendant la première année de vie.» « A l'exception de l'allaitement, il n'y a pas de preuve que les femmes soient biologiquement prédisposées à être de meilleurs parents que les hommes. Les conventions sociales, et non les impératifs biologiques, fondent la division traditionnelle des responsabilités parentales.»
·       Laboratoire de Psychologie de l’Enfant (Paris X) : Les chercheurs ont montré que les nourrissons élevés dans des familles où le père participe autant ou plus que la mère aux soins précoces, manifestent les signes d'un attachement au père comparable à celui qui se produit d'ordinaire avec la mère.
·       HUBIN-GAYLE Mylène Les bébés collection idées reçues 1999 : « Le lien qui les unit [les pères] à leurs enfants, sil est différent de celui établi avec la mère, n’en est pas moins fort pour autant.»
·       FIVAZ-DEPEURSINGE Elisabeth Devenir père devenir mère M. Dugnat Ramonville St Agne 1999 : « Devenir parent, c'est devenir co-parent dans le triangle primaire formé avec le bébé.»
·       Delaisi de Parseval Geneviève La part du père Ed. du Seuil 1981 : « Le père est tout aussi important et compétent que la mère auprès du bébé, toutes les études récentes le démontrent. »
·       CORNEAU Guy Père manquant, fils manqué Éditions de l’Homme 1989 : « C'est au cours des deux premières années de leur existence que les garçons ont absolument besoin du père. »
·       BRAZELTON T. et CRAMER B. Les premiers liens Stock 1990 : «Le père peut être un parent compétent d'emblée, entraînant un attachement plus précoce au père que nous l'avions imaginé jusqu'alors. »
·       BADINTER Elisabeth XY, de l'identité masculine Odile Jacob 1992 : « C'est le parent qui investit le plus son bébé qui devient le principal objet d'attachement – sans distinction de sexe - et ce rapport préférentiel n'en exclut pas d'autres. De plus les préférences changent avec l'âge. Si une majorité d'enfants semble plus proche de la mère la première année, tous changeront plusieurs fois de parent favori au cours des deux années suivantes. Cela dépend des étapes psychologiques, du sexe de l'enfant et des circonstances extérieures. Mais, quelle que soit l'évolution de ses sentiments, l'enfant intériorise ses deux parents disponibles et n'est plus enfermé dans une relation à deux qui risque de l'étouffer. »
·       ARCHAMBAULT Paul Le devenir des enfants des familles dissociées (Thèse) Université de Paris V – René Descartes Département de Sciences Sociales 2001 : Les enfants élevés uniquement par un parent (la mère en général) présentent les caractéristiques suivantes : une réussite scolaire réduite, une insertion professionnelle plus difficile, une instabilité du premier couple, un risque de dépression et de suicide plus élevé.


 

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M
<br /> Bref, depuis les années 1990, c'est à dire depuis plus de 22 ans, on dit que le rôle du père est important pour les enfants... et la justice familiale ne cesse de détruire les pères ! Des<br /> millions d'enfants sont privés de pères, vivant sans repère ! C'est une honte ! Dans d'autres pays, ça ne se passe pas comme ça !<br /> <br /> <br /> <br /> <br />
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